Guy Delahaye photographie depuis 1968 le monde du spectacle. C’est avec l’ouverture de la Maison de la Culture à Grenoble que cet artiste issu d’une lignée d’ouvriers présentera ses premiers clichés et il ne cessera par la suite de dégainer ses engins à photographies.
S’en suivront à partir de là, 600 000 photos, les portraits de plus de 75 artistes, 450 expositions différentes dans plus de 60 pays à travers le monde, l’illustration d’une trentaine de livres et la publication d’ouvrages sur les grands noms du théâtre et de la danse : Pina Bausch, Carolyn Carlson, Sankai Juku, Jean-Claude Gallota, Nicolas Bouchaud, Marcel Maréchal ou encore Angelin Preljocaj.
C’est le mouvement de ces artistes que Guy Delahaye immortalise avec bienveillance depuis 1968. Selon l’artisan photographe, comme il aime se présenter, « une image ne doit pas capter un instant, mais raconter une histoire ».
C’est la deuxième fois que les Ateliers Zone Art accueillent cet artiste talentueux : la première fois c‘était en mars 2011 pour l’ouverture des Ateliers, en collaboration avec la licence METI (UFR SLHS) où nous avions accueilli la très belle exposition Pina Bausch.
Un an après nous accueillons une série de portraits de femmes connues et inconnues, à l’occasion du mois des femmes aux Ateliers et de nos un an. Une exposition appelée modestement Femmes. Les Ateliers Zone Art sont ravis d’accueillir de nouveau Guy Delahaye qui nous soutient depuis le premier jour.
Rencontre avec Guy Delahaye à 19h suivie d’un apéritif-tapas.
Guy Pothier – Chanson française à 21h
Sur des chemins de traverses, ce chanteur au feeling blues poursuit le sien en n’hésitant pas à faire un tour du côté du funk ou de la bossa nova afin de nous conter de drôles d’histoires jouant avec les mots, l’émotion et l’humour …
Né le 17 janvier 1943 dans un petit village de la Somme, au sein de la Picardie profonde, non loin du bord de mer, où l’on parle la langue picarde la plus pure.
Ne compte que des ouvriers dans son arbre généalogique et en tire une certaine fierté, encore que le manque de discernement et le peu d’ouverture d’esprit de ce milieu ne l’amènera à fréquenter l‘école qu‘à l‘âge de huit ans, pour passer le Certificat d’Etudes Primaires, le certif, quelques années plus tard. On ne parle plus aujourd’hui de cet examen que dans les romans !
Après des péripéties scolaires inénarrables et un début d‘études accidentelles dans un lycée technique en tant qu’interne, se retrouve à 17 ans au sanatorium des “étudiants et travailleurs intellectuels”, rue Boileau, Paris 16ème , à côté du pont Mirabeau sous lequel coule la Seine comme le fait remarquer Apollinaire avec à-propos.
L‘établissement étant mixte et pourvu d’une immense bibliothèque, découvre quantité de choses. Séjour idyllique !
Après avoir lu tout Homère, tout Duhamel, tout Romain Rolland, tout Gide, tout Giraudoux, tout Shakespeare,et appris par coeur les poèmes de Mallarmé, passe les deux bacs avec mention (il y en avait deux en ce temps-là) et se retrouve miraculeusement à la faculté pour y préparer une licence de lettres.
Avec une certaine inconscience, abandonne après sa licence ces études utiles pour des études futiles d’histoire de l’art, apanage habituel de la bourgeoisie.
Commence laborieusement à préparer une thèse de troisième cycle sur “Villard de Honnecourt et l’architecture religieuse du XIII ème siècle en Europe”.
Visite et étudie les cathédrales, abbatiales, collégiales, églises, chapelles, oratoires, baptistères et cryptes d’Europe sans en devenir croyant pour autant.
Prend quantité de photos pour illustrer ladite thèse et s’aperçoit sans crise de conscience, sans pathos, sans regret mais avec réalisme qu’il ne devrait plus se prendre pour un intellectuel. Abandon logique de la thèse qui ne sera jamais soutenue.
Lui apparaît alors que la photo se satisfait de la pensée confuse et qu’elle convient fort bien aux neurones du lobe idoine de son cerveau, plus sensible aux images qu’aux raisonnements discursifs.
Après un beau cursus de “pion” dans divers lycées devient malgré lui Conseiller d‘Éducation pour pallier les pénuries pécuniaires dues aux activités susdites peu lucratives par nature.
Premières photos de spectacles, lors de l’ouverture de la Maison de la Culture de Grenoble en 1968.
Rencontre celle qui fut, qui sera et qui est toujours, son modèle, son égérie, son garde-fou.
Abandonne l’enseignement le jour même de ses 40 ans, soit le 17 janvier 1983, selon un voeu ancien qui aura fait rire beaucoup de sceptiques.
Viendra le temps de la photo à mi-temps (12 heures par jour) en partant du principe qu’on ne peut rien faire de bon si on ne le fait pas jusqu‘à l’obsession.
S’ensuivront 450 expositions différentes, 28.000 négatifs, des centaines d’affiches, de programmes, de parutions diverses, ainsi qu’une dizaine de livres.
Exposera en permanence dans le hall de la Maison de la Culture de Grenoble dix années
durant, puis au Havre et enfin au Quartz de Brest.
A publié pratiquement dans tous les supports de presse, sauf Minute par aversion et Playboy par omission.
Déshérité par sa propre mère au profit de ses deux frères par un testament olographe comportant deux fautes d’orthographe (copie sur demande).
En butte récemment aux tracasseries d’une inspectrice des impôts sous prétexte que la photo n’est pas un art.
Titulaire de la médaille de Chevalier des Arts et Lettres comme tout le monde, refusé deux fois pour l’Ordre du Mérite comme personne. Accepterait à la rigueur la légion d’Honneur, rien que pour fâcher un vieil anarchiste acariâtre qui fut de ses amis.
Déteste prodigieusement celle que l’on rencontre dans tous les milieux et à tous les niveaux : “la bêtise au front de taureau”. Et suivant une liste non exhaustive : les auto-nommés, les auto-proclamés, les gloires usurpées, les artistes paresseux et les fainéants de tout poil.
N’a pas plus d’estime pour Grenoble et ses horizons bornés que n’en avait Stendhal.
Peu enclin au paraître, aux parades, aux exhibitions.
Aime le Côteau du Layon de Marie Plantagenet (épuisé), le Château Yquem (cher) le
Château Pétrus 1987 (rare). Prêt à toutes les folies pour les grands vins blancs allemands (trockenbeerenauslese) de Mozelle, du Rhin et de la Franconie.
Possède en propre neuf chats dûment baptisés et reçoit été comme hiver tous les
chats mal-aimés, affamés ou SDF.
Totalise trois filles, dont une photographe, cinq petites-filles et quelque peu égaré, un petit-fils.
Chanteur à ses heures, professe une passion immodérée pour la chanson qui n’est pas
anglo-saxonne.
Possède un passeport avec un visa “à vie” pour les Etats-Unis où il ne vivra
jamais.
Pense souvent à ses amis balinais du village de Sebatu et à ceux de la goélette “La
Belle-Poule”.
Coupable de faiblesses artistiques pour Patrice Chéreau, Yves Beaunesne, Bob
Wilson, Jean-Claude Gallotta, Ushio Amagatsu, Claude-Henri Buffard, Marc Pessin, Giovanni Bellini, Picasso.
Se souvient de Didier-Georges Gabily, de Tadeusz Kantor, de Merce Cunningham.
Se souviendra toujours de Pina Bausch.
Continue “de nos jours” après quelques trahisons d’amis, trois saisies d’huissiers, plusieurs interdits bancaires, des dizaines de factures impayées; à sillonner le monde en quête de ceux qui font du vin, des chansons, de la peinture ou de la littérature et sans qui la vie ne serait pas ce qu’elle est.
- Carolyn Carlson, Photographies Guy Delahaye, textes Claude Lé Ahn, Ed Albin
Michel, 1978
- Pina Bausch, Photographies Guy Delahaye, textes Raphaël de Gubernatis et
Leonetta Bentivoglio, Ed Solin, 1986
- Carolyn Carlson, Photographies Guy Delahaye, textes Kenneth White, Ed Guido
Siepe, 1988
- Pina Bausch, Photographies Guy Delahaye, textes Leonetta Bentivoglio, nouvelle
édition complétée Solin/Actes
Sud, 1989
- Pina Bausch, Photographies Guy Delahaye,, texte Patrick Tacussel (en allemand), Ed
Bärenreiter, 1989
- Sankai Juku Amagatsu, Photographies Guy Delahaye, Ed Actes Sud, 1994
- Les vins ont un visage, Photographies Guy Delahaye, textes Jean-Paul Michel, Ed Arts
et Arts/Oara, 1997
- Angelin Preljocaj, Photographies Guy Delahaye, texte Agnès Freshel, Ed Actes Sud,
2003
- Sankai Juku Amagatsu, Photographies Guy Delahaye, texte Raimund Hoghe,
réédition complétée, Ed Actes Sud,
2003
- Les rêves ont leurs usines, Photographies Guy Delahaye, textes Claude-Henri Buffard,
Ed Glénat, 2004
- Jean-Claude Gallotta, Groupe Emile Dubois, Photographies Guy Delahaye, textes
Claude-Henri Buffard, Ed Actes
Sud, 2005
- Pina Bausch, Photographies Guy Delahaye, texte et interview Jean-Marc Adolphe et
Michel Bataillon, Ed Actes
Sud, 2007
- Pina Bausch, Photographies Guy Delahaye, texte et interview Jean-Marc Adolphe
et Michel Bataillon, en allemand Ed Braus, 2007