En 1999, les éditions Didier Jeunesse publient dans la collection « Hurluberlu » ce qui a été, un an auparavant, mon projet de fin d’études aux Beaux-Arts de Besançon. Mon premier album, « Fulbert et le tailleur d’ombres » voit donc le jour alors que je m’échine à scanner des couchers de soleil dans l’open-space glacial d’une tentaculaire agence de communication parisienne.
Avec la naissance de ce livre, j’ai le pied à l’étrier. Plusieurs de mes livres sur le thème de l’ombre paraîtront les années suivantes : « Zisso et les ombres perdues » chez le même éditeur en 2001 et « Ombroglios » aux éditions du Poisson Soluble en 2006 . Un thème qui me tient à cœur tant le pouvoir évocateur des ombres est fort à mes yeux (je suis passionné depuis longtemps par le mouvement expressionniste du début du XXème siècle en Europe du Nord).
Une ombre géante devenue encombrante est découpée par un tailleur-magicien ; les ombres portées d’une ville moderne sont emportées par une gigantesque tempête ; un loup se démène avec son ombre moqueuse…
Pour la forme, j’ai toujours une citation d’Henri Matisse gravée dans la caboche, prolongée jusque dans les doigts : « DESSINER, C’EST FAIRE UN GESTE EXPRESSIF AVEC L’AVANTAGE DE LA PERMANENCE. »
En me limitant à de l’impression en bichromie- un noir profond et un cyan clinquant- je raconte l’histoire d’un être qui se dissout peu à peu dans les affres d’un monde privé de sentiments (« L’être effervescent. Editions Les oiseaux de passage, 2004). Quand je n’utilise pas les pinceaux, l’encre de chine, la plume ou l’acrylique, je réalise mes images avec des crayons noirs et des fusains que je rehausse de couleurs numériques. Petite cuisine personnelle et tambouille faîte maison pour raconter l’histoire d’un petit alligator qui cherche le sommeil ( « l’île du géant repos » Sarbacane, 2008), celle d’un prince maudit sur qui s’abat le mauvais sort (*« Prince en pince »* Editions la Martinière Jeunesse. 2014) ou dans mes différents travaux de commandes pour la presse et l’édition jeunesse.
Dans mon roman graphique « Grigridédé » paru en 2008 chez Actes Sud l’An 2, je construis , avec une large part d’improvisation et de manière un peu schizophrénique, une fiction en me basant sur des faits réels ou vécus dans une petite ville de province. Le trait est minimaliste et va à l’essentiel : servir le sujet, sec et sans fioritures.« Monsieur D » paru en 2012 chez Gargantua est une réinterprétation de l’ouvrage le plus lu et le plus connu au monde depuis des siècles. Là aussi encore, c’est le fond qui a interféré sur la forme. J’ai laissé une place prépondérante aux blancs, aux espaces vierges et saturés de lumières, contrastant avec des pages foisonnantes et étouffantes sur la fin du récit.
Après 12 années passées à Paris, où les rencontres de tous horizons furent fructueuses, je vis et travaille actuellement à Besançon.
BENOIT PERROUD